Cinéaste iranien, 1972
1979, le Shah est destitué durant la révolution islamiste, l’empire est renversé. La République Islamique d’Iran est instaurée avec pour guide : l’ayatollah Khomeini. Les films produits à l’ère du Shah, calqués sur la formule hollywoodienne, sont vus comme un outil de propagande du modèle occidental. Toutes les salles de cinéma du pays sont brûlées, filmer est passible de la peine de mort. La représentation visuelle interdite par la religion, l’Iran est alors une terre dont les seules images sont ses poèmes. Puis Khomeini regarde à la télévision La Vache de Dariush Mehrjui, et l’admire. Tragédie simple sur un villageois attristé sur la mort de sa vache dont il était amoureux, le film sorti en 1969 était interdit sous le règne du Shah où le réalisme était banni. Khomeini déclare la production de films dépeignant des quotidiens simples admise : le cinéma sort du feu, mais soumis à une censure très stricte se conformant à la charia, avec une interdiction quasi intégrale de visionnage de films provenant de l’occident. De cette censure, naît un cinéma décrivant poétiquement la vie ordinaire, métaphorique, symbolique, humaniste. Il lui sera donné le nom de Nouvelle Vague Iranienne, évoqué au pluriel parfois pour inclure des œuvres plus récentes.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Avec Fatemeh Bijan, Bijan Zalkla
Film iranien
Genre : documentaire, drame
Durée : 1h23
Année : 2002
Un étrange événement est survenu en 1998, dans l’une des prisons du nord-est de l’Iran. Le chef de la prison a choisi un détenu de 34 ans, qui a été condamné à plusieurs reprises dans sa jeunesse, pour épouser une prisonnière condamnée à la prison à perpétuité.
Basé sur une histoire vraie, The twilight gagna le Prix du meilleur film au Fajr Film Festival en Iran.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Avec Hossein Farzi-Zadeh, Ali Nasirian, Neda Pakdaman
Film iranien
Genre : drame
Durée : 1h30
Année : 2005
Venue des côtes sud de l'Iran, une petite communauté d'hommes, de femmes et d'enfants démunis s'est installée sur un vieux cargo abandonné en pleine mer. Leur chef, le capitaine Nemat, tente de persuader le propriétaire du bateau et les autorités de ne pas rapatrier le cargo à terre. Sans le dire à la communauté, le capitaine vend des pièces détachées du bateau morceau après morceau. Bientôt, le cargo menace de couler.
Point commun avec ses prédécesseurs (surtout Kiarostami), l’emploi par le réalisateur Mohammad Rasoulof de la parabole pour évoquer l’état de son pays via une situation en apparence très artificielle. Dans le cas présent, il s’agit du récit de la vie quotidienne d’une sorte de cour des miracles composée d’exilés et de laissés pour compte de tous bords qui trouvent refuge à bord d’un pétrolier échoué, grâce aux réserves duquel ils ont construit une communauté organisée et économiquement viable. La description des différents membres de ce groupe, de leur sens aigu de la débrouille et de leurs antagonismes ne manque pas de charme. Rasoulof en tire une belle galerie de portraits (le capitaine du navire est particulièrement truculent), des petites saynètes insolites, et même de beaux moments de mise en scène comme cette séquence où des enfants plongent pour récupérer des bidons de pétrole qui dérivent.
Cette belle et prometteuse mécanique s’enraye cependant lorsque le scénario offre une porte de sortie aux occupants du bateau. Comme un symbole de la fin d’une société d’entraide, ce film iranien, aux images superbes et colorées, apporte une vision cruelle et désenchantée d’une société où l’individualisme finit forcément par primer. Un film dur, où les hommes ne sont pas des saints, et où chacun joue pour ses propres enjeux.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Film iranien
Genre : documentaire
Durée : 1h05
Année : 2008
Ce documentaire iranien de Mohammad Rasoulof enquête de manière ironique sur la façon dont, en Iran, les téléspectateurs rivalisent d'ingéniosité pour capter les chaînes et les émissions étrangères. Où l'on découvre comment un simple couvercle de marmite peut faire une très bonne parabole.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Avec Hassan Pourshirazi, Younes Ghazali, Mohammad Rabbani, Mohammad Shirvani, Omid Zare
Film iranien
Genre : drame
Durée : 1h32
Année : 2009
Une fois de plus, Rahmat doit voyager vers les îles pour son travail. Depuis de nombreuses années, il demande aux habitants de recueillir leurs larmes sans que personne ne sache ce qu'il fait avec elles...
Désignée meilleur film au Festival sud-africain de Durban en 2010, la troisième fiction signée Mohammad Rasoulof est un poème cruel et époustouflant. Le récit navigue dans le sillage de Rahmat, un marin, sorte de Sinbad moderne qui poursuit une mission étrange : parcourir les îles du golfe Persique pour récolter les larmes des insulaires.
En mars 2010, après les événements qui suivent l’élection présidentielle iranienne, il est arrêté, avec Jafar Panahi, alors qu’ils étaient en tournage. Lors d’un premier procès, il est condamné à six ans de prison (cinq ans pour rassemblement et connivence contre la sécurité nationale, et un an pour propagande contre le régime). Il est acquitté en appel de la première accusation et sa peine est réduite à un an de prison. Elle n’est pas appliquée mais elle est accompagnée d’une interdiction de sortir du pays. Celle-ci est levée en 2011, après la sélection de son film Au revoir au Festival de Cannes, où il remporte le Prix du meilleur réalisateur Un Certain Regard.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Avec Leyla Zareh (Noura), Hassan Pourshirazi, Benhame Tashakor, Sima Tirandaz
Film iranien
Genre : drame
Durée : 1h40
Année : 2011
Dans la situation désespérée de l’Iran d’aujourd’hui, une jeune femme avocate à qui on a retiré sa licence d’exercer, est enceinte de quelques mois. Elle vit seule car son mari journaliste vit dans la clandestinité. Traquée par les autorités, et se sentant étrangère dans son propre pays, elle décide de fuir.
Au revoir est un film d'une noirceur totale, éclairé seulement par le beau visage de son actrice, Leyla Zareh. Elle joue ici le rôle d'une avocate très politisée et à bout de force, Noura, qui a décidé de fuir l'Iran pour refaire sa vie ailleurs. "Quand on se sent étranger dans son propre pays, souffle-t-elle, mieux vaut partir, et se sentir étranger à l'étranger." En retraçant la vie de ce personnage pendant les semaines qui précèdent son départ, le film montre avec une frontalité sidérante la manière dont la dictature s'immisce jusque dans les moindres détails du quotidien, dont la terreur bousille les relations humaines.
Le scénario, d'une cruauté terrible, met aux prises Noura, personnage d'une gravité héroïque, avec une petite galaxie de personnages secondaires, plus froids, plus durs les uns que les autres. Pour lui permettre de s'installer en Europe, un passeur a proposé à la jeune femme un plan sophistiqué, qui exige notamment qu'elle tombe enceinte, afin d'accoucher sur place et d'obtenir ainsi un titre de séjour. Pour cette femme mariée, qui prévoit de surcroît de fuir avec son conjoint, l'exigence n'est pas insurmontable.
Sans cris ni brutalités, une mise en scène d'une radicalité et d'une intelligence rares fait exploser à l'écran l'essence de l'oppression politique. Quel que soit le décor, les murs sont de la même couleur, celle-là même qu'a fini par revêtir le monde aux yeux de Noura, gris terne, invariablement. Ils sont filmés en plan fixe, en accordant une grande importance au hors-champ. Simple, confiant dans la puissance d'évocation primaire du cinéma, ce dispositif exalte avec une force à couper le souffle la violence effarante contenue dans un contexte politique aussi délétère, dans le moindre son, dans le moindre geste.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Avec acteurs inconnus
Film iranien
Genre : drame
Durée : 2h05
Année : 2013
Khosrow est un tueur à gage. Sous l’autorité de Morteza, ils partent tous deux en mission pour un assassinat commandité. Le meurtre doit être mis en scène pour faire croire à un suicide. Les deux tueurs doivent changer leur plan initial au dernier moment...
Un écrivain, surveillé par le régime iranien, a achevé un manuscrit relatif à la tentative d’élimination des écrivains de son pays et en a confié une copie à deux de ses collègues. Mais la police n’entend pas voir ce texte publié: original et copies doivent être saisis, et l’auteur et ses amis éliminés. Tournée partiellement en Iran, cette réalisation est importante, car d’une part elle rappelle le prix de la liberté d’expression et le courage de ceux qui désirent témoigner malgré tout et, d’autre part, elle souligne à quelles extrémités – jusqu’à devenir tueurs à gages – sont réduits des individus qui tiennent simplement à pouvoir assumer leurs charges de famille. Interprété par des acteurs non professionnels, ce film a tous les accents d’une vérité qui n’est pas bonne à dire, mais qui doit être dite. Construit comme un thriller, à partir d’un long flash-back, il est éprouvant, mais tellement nécessaire, pour que le mot démocratie ne soit pas dépourvu de sens en Iran comme en d’autres lieux où des écrivains écrivent avec leur sang.
Le film a été tourné en Allemagne et – clandestinement - en Iran. Comédiens et techniciens sont des amateurs pour la plupart; tous ceux qui apparaissent à l’écran vivraient actuellement à l’extérieur du pays, selon le réalisateur qui a fait de la prison et sait de quoi il parle. L’histoire est forte, on le comprend. Comme on comprend les risques encourus et le courage de chacun. Comme on comprend encore le besoin de témoigner, d’alerter.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
avec Reza Akhlaghirad (Reza), Soudabeh Beizaee (Hadis), Nasim Adabi (Mère de l’étudiante), Missagh Zareh (Frère de Hadis), Zeinab Shabani (L’assistante de Hadis à l’école), Zhila Shahi (Femme d’Omid).
Film iranien
Genre : drame
Durée :1h58
Année : 2017
Reza, installé en pleine nature avec sa femme et son fils, mène une vie retirée et se consacre à l’élevage de poissons d’eau douce. Une compagnie privée qui a des visées sur son terrain est prête à tout pour le contraindre à vendre. Mais peut-on lutter contre la corruption sans se salir les mains
Rasoulof est condamné en juillet 2019 à un an de prison ferme, suivi de deux ans d’interdiction de sortie du territoire et de l’interdiction de se livrer à la moindre activité sociale et politique.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Avec Ehsan Mirhosseini (Heshmat), Shaghayegh Shourian (Razieh, sa femme), Kaveh Ahangar (Pouya), Mohammad Valizadegan (Javad), Mahtab Servati (Na'na), Baran Rasoulof (Darya), Mohammad Seddighimehr (Bahram), Zhila Shahi (Zaman)
Film iranien
Genre : drame
Durée : 2h31
Année : 2020
Iran, de nos jours. Heshmat est un mari et un père exemplaire mais nul ne sait où il va tous les matins. Pouya, jeune conscrit, ne peut se résoudre à tuer un homme comme on lui ordonne de le faire. Javad, venu demander sa bien-aimée en mariage, est soudain prisonnier d’un dilemme cornélien. Bharam, médecin interdit d’exercer, a enfin décidé de révéler à sa nièce le secret de toute une vie. Ces quatre récits sont inexorablement liés. Dans un régime despotique où la peine de mort existe encore, des hommes et des femmes se battent pour affirmer leur liberté.
Quatre histoires sur le refus de tuer ses semblables dans l’Iran moderne. Mohammad Rasoulof relie des fascicules d’histoire individuelle en un cycle lyrique qui place le curseur non pas sur l’oppression, mais sur ceux qui communi(qu)ent dans la résistance. Rasoulof réalise dans la clandestinité Le diable n’existe pas, Ours d’or au Festival de Berlin 2020. Dans la foulée de cette récompense prestigieuse, reçue en son absence par ses comédiens, il est sommé de se présenter à la justice iranienne, afin de purger sa peine de prison.
(Jenayat-e amdi).
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Film iranien
Genre : documentaire
Durée : 1h31
Année : 2022
A travers des conversations avec les membres de sa famille et ses compagnons de cellule, des experts du domaine médical et juridique, Intentional Crime témoigne de ce qui est arrivé à Baktash Abtin: sa détention, son hospitalisation, les retards dans le traitement de ce prisonnier politique qui ont finalement conduit à sa mort.
Le cinéaste est arrêté en juillet 2022 pour avoir encouragé des manifestations déclenchées après l’effondrement d’un immeuble ayant fait plus de 40 morts en mai dans le sud-ouest de l’Iran. Après ce drame, un groupe de cinéastes iraniens mené par Mohammad Rasoulof avait publié une lettre ouverte appelant les forces de sécurité « à déposer les armes » face à l’indignation nationale contre « la corruption » et « l’incompétence » des responsables. Le mercredi 8 mai 2024 son avocat, Me Babak Paknia, annonce que le célèbre cinéaste est condamné à une peine de huit ans de prison dont cinq ans applicables par un tribunal iranien. Il est également condamné à des coups de fouet, une amende et la confiscation de ses bien.
Réalisé par Mohammad Rasoulof
Avec Mahsa Rostami (Rezvan), Setareh Maleki (Sana), Niousha Akhshi (Sadaf), Missagh Zareh (Iman) Soheila Golestani (Najmeh), Reza Akhlaghirad (Ghaderi), Shiva Ordooie (Fatemeh)
Film iranien
Genre : drame
Durée : 2h46
Année : 2024
Iman vient d’être promu juge d’instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran quand un immense mouvement de protestations populaires commence à secouer le pays. Dépassé par l’ampleur des événements, il se confronte à l’absurdité d’un système et à ses injustices mais décide de s’y conformer. A la maison, ses deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, soutiennent le mouvement avec virulence, tandis que sa femme, Najmeh, tente de ménager les deux camps. La paranoïa envahit Iman lorsque son arme de service disparaît mystérieusement...
Les graines du figuier sauvage sélectionné en compétition officielle à Cannes, le cinéaste quitte clandestinement (son passeport étant confisqué depuis 2017) l’Iran pour l’Allemagne qui lui a offert l’asile, après un voyage long et compliqué. Ses collaborateurs ont été convoqués par les services de renseignement en Iran et soumis à des pressions psychologiques dans le but de convaincre Rasoulof de retirer son film du Festival de Cannes. Il y remporte le prix spécial du jury. En plus de dénoncer la violence du régime iranien et de délivrer un puissant message de révolte, Les Graines du figuier sauvage témoigne aussi du talent incontestable du cinéaste. La mise en scène parfaitement maîtrisée et le scénario passionnant sont au service d’une tension qui grandit tout au long du récit, jusqu’à s’embraser dans un final inoubliable. À l’image des ruines labyrinthiques qui constituent le décor de la dernière partie du récit, Les Graines du figuier sauvage conte, dans un récit dense, le parcours sinueux d’une famille au milieu du chaos. En naviguant entre le drame et le thriller, en mêlant les convictions intimes et les luttes collectives, Mohammad Rasoulof signe un film aussi brillant qu’important.