19 juil. 2025

Greta Gerwig

 Cinéaste américaine, 1983



    Nights and Weekends (co-réalisé avec Joe Swanberg)
    Réalisé par Greta Gerwig
    Avec Joe Swanberg, Greta Gerwig, Jay Duplass
    drame
    1h20
    2008
    Etats-Unis
    Mattie et James forment un couple. Seule ombre au tableau, l'un vit à Chicago et l'autre à New York. Une situation qui rend chacune de leurs visites plus éprouvantes, puisque ça devient l'occasion de faire le point sur leur relation.
    Sans être une révélation, Nights and Weekends est un film classé dans le mouvement "mumblecore". La caméra suit la vie d'un couple de trentenaires qui ont du mal à se retrouver intimement, car séparés par la distance de leur lieu de travail et de leur emploi du temps respectif. On y retrouve l'angoisse de ne pas plaire, les doutes que l'on a envers soi et l'autre. Ce petit film indépendant se démarque avec le jeu d'actrice de G. Gerwig qui dévoile un personnage sensible et un peu maladroit qui en fera sourire certains et dans lequel certaines femmes se reconnaîtront.

    Lady Bird
    Réalisé par Greta Gerwig
    Avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts
    Comédie, drame
    1h35
    2017
    Etats-Unis
    Christine « Lady Bird » McPherson se bat désespérément pour ne pas ressembler à sa mère, aimante mais butée et au fort caractère, qui travaille sans relâche en tant qu’infirmière pour garder sa famille à flot après que le père de Lady Bird a perdu son emploi. 
    Pour son premier film en solo derrière la caméra, Greta Gerwig a fait un carton aux États-Unis. Des critiques dithyrambiques, des scores épatants au box-office pour une production destinée aux art theatres (en gros l’équivalent de nos salles d’art et essai) et deux belles récompenses aux Golden Globes, à savoir Meilleur film dans la catégorie comédie et Meilleure actrice pour Soairse Ronan. Pourtant le sujet – l’initiation à l’âge adulte d’une lycéenne en dernière année d’High School, qui s’évertue à tout tenter pour quitter sa paisible bourgade de Californie pour établir sa carcasse d’artiste en herbe dans la grande pomme, et changer radicalement de vie -, tend, sur le papier, à convier tous les clichés inhérents aux productions sur les petites villes de province américaine, où les caractères et personnalités hors du moule se sentent étouffer. Gerwig se livre donc à une introspection de ce microcosme. Certes, Lady Bird n’a pas l’originalité thématique de son côté, mais pourtant son caractère d’œuvre miroir où l’actrice principale semble se faire le reflet des truculences de la cinéaste, brille par la sensibilité de ses portraits adolescents et adultes, alors que les craintes et souffrances des uns et des autres, qu’ils soient adultes ou plus jeunes, s’exposent, de façon plus ou moins affichée, avec une perspicacité de regard qui ne laisse jamais place au cynisme, à la leçon de morale ou à l’exagération. Alors que Lady Bird (le personnage de Saoirse Ronan exige, des parents aux professeurs, que tous s’adresse à elle par ce nom de substitution évocateur de liberté) évolue vers une compréhension des faux-semblants, des autres dans leur diversité autour d’elle, parfois en se brûlant les ailes, Gerwig réalisatrice met en scène des sensibilités qu’elle connaît merveilleusement bien, jusque dans leurs contradictions (l’amour d’une mère et sa rigidité : la bienveillance paternelle pourtant figure dépressive ; le bellâtre romantique aux valeurs altermondialistes qui se joue en fait de la virginité des jeunes femmes…). Avec son tempérament lunaire d’actrice décalée, et ses aptitudes solaires de rigolote du verbe, qui est capable d’irradier nos séances de son humour désabusé, Greta Gerwig sonde avec attendrissement, élégance et acuité ce passage à l’âge adulte, berceau de ses propres contradictions (l’amour et le rejet pour son bled…). Dans son portrait de “Lady Bird” et dans l’évolution de celle-ci, Greta Gerwig convoque l’universalité à la table de ses propres excentricités. Rares auront été les divertissements aussi humains et donc aussi pertinents. Lady Bird est un délice.

    Les Filles du docteur March (Little Women)
    Réalisé par Greta Gerwig
    Avec Saoirse Ronan, Emma Watson, Florence Pugh, Meryl Streep, Laura Dern, Emma Watson, Louis Garrel, Timothée Chalamet
    Drame, Romance
    2h15
    2019
    Etats-Unis
    Dans les années 1860, une écrivaine à l'esprit indépendant se souvient des moments douloureux mais tendres qu'elle a connus avec ses trois sœurs et un ami proche.
    Si vous n’appréciez pas les mélos, mieux vaut peut-être passer votre chemin ! Car Les filles du Docteur March obéissent à toutes les lois qui régissent ce genre cinématographique : des créatures jeunes, belles, pleines de fougue, qui sont plongées dans le grand bain des vicissitudes de l’existence, vont subir le pire, la pauvreté, l’absence, la maladie et la mort, avant d’avoir enfin droit au bonheur. Mais si on y adhère à ces codes, il faut reconnaître que l’on passe un délicieux moment devant ce film. Les deux heures quinze du long-métrage passent en un éclair tant on se laisse facilement embarquer dans leurs aventures.  Et quel casting ! Pour cette grande fresque, Greta Gerwig a réuni dans un seul et même long-métrage l’immense Meryl Streep dans la peau de la vielle et acariâtre Tante Joséphine, Laura Dern, Saoirse Ronan, la star des Ames vagabondes, Emma Watson, iconique depuis Harry Potter, Louis Garrel et Timothée Chalamet. Des grands acteurs et surtout actrices qui nous font passer du sourire aux larmes en permanence, façon montagnes russes, et sortir de la salle avec l’âme réjouie. 

    Barbie
    Réalisé par Greta Gerwig
    Avec Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrera
    Comédie
    1h54
    2023
    Etats-Unis
    A Barbie Land, vous êtes un être parfait dans un monde parfait. Sauf si vous êtes en crise existentielle, ou si vous êtes Ken.
    Depuis ses débuts derrière la caméra, Greta Gerwig (Lady Bird, Les Filles du Docteur March) se fait remarquer. Particulièrement, parce qu’elle n’a jamais caché le caractère politisé de ses productions. En ce sens, à l’image d’une République platonienne, Barbie est moins l’histoire d’une poupée en plastique que celle de l’ascension d’une femme vers la connaissance et une prise de conscience des failles du monde qui l’entoure. Au départ, enfermée dans sa vie en rose, Barbie (Margot Robbie) est cantonnée à sa vérité, celle que l’entreprise Mattel lui projette. Elle n’a aucune conscience du vrai monde. C’est lors d’une odyssée vers notre réalité, vers la lumière de la connaissance, qu’elle entamera un processus de déconstruction des diktats qui l’entourent pour donner à Barbieland plus d’égalitarisme.
    L’écriture au second degré fait rapidement oublier le manque d’originalité du scénario, qui suit la recette classique d’un bon blockbuster (une héroïne doit sauver le monde en voyageant dans une autre dimension pour rétablir l’équilibre, et cætera, et cætera). En effet, ce qui fait le succès de Barbie, c’est la rencontre entre la critique et le comique. Greta Gerwig réussit à démontrer qu’il est possible de parler d’égalité des genres, de capitalisme ou encore des injonctions à la beauté (tant féminine que masculine), en faisant appel à la satire et à l’humour. Par exemple, quelques piques bien pensées sont envoyées au monde capitaliste. Ainsi, l’insertion d’une publicité fictive pour la Barbie en plein milieu du film est particulièrement bien pensée, elle surprend le spectateur et le ramène à son statut de consommateur excessif. En ce sens, la représentation du PDG de Mattel (Will Ferrell) comme d’un businessman exacerbé qui n’a d’intérêt que pour le profit est particulièrement ironique puisque l’entreprise Mattel apparaît dans la liste des producteurs du film. Barbie et Ken incarnent, respectivement, l’allégorie du patriarcat et du matriarcat poussées à l’extrême. En se basant sur notre société moderne et en inversant les rôles, Greta Gerwig, réalise une critique exacerbée du système patriarcal en vigueur, doublée d’une ode à l’égalité. Dans un premier temps, Barbieland est orchestré par des Barbie décisionnaires, propriétaires, en charge des plus grandes positions. Ironiquement, on note l’absence d’enfants dans un monde qui leur est pourtant destiné. Seule une poupée enceinte vit à Barbieland et elle n’est plus commercialisée dans le vrai monde. En second plan, on note aussi la présence des Ken, accessoires, hommes-trophées dotés d’une plastique de rêve antagonique à leur intelligence. Ils sont « juste Ken ». Par la suite, la tendance s’inverse avec la découverte du patriarcat dans le vrai monde. Dès lors, Barbie est renvoyée à sa condition de femme alors que Ken pousse le narcissisme à son paroxysme en remodelant le monde à son image. La première partie du scénario renvoie à cette idée ordinairement sexiste qu’une femme ne peut exister sans un homme, ou ici, qu’un homme ne peut exister sans une femme. C’est alors que le film prend une tournure inclusive et égalitaire en démontrant qu’en 2023, il est enfin temps pour Ken et Barbie d’être indépendants et complémentaires. Outre les débats ouverts par Barbie, c’est surtout un film haut en couleur et d’une richesse visuelle exceptionnelle. Tant au niveau des décors, qui renvoient plusieurs générations dans leur enfance, qu’au niveau des magnifiques costumes directement inspirés du catalogue de l’univers Barbie. Avec un décor et des tenues directement inspirés des années 60 et des pin-ups, la qualité de l’esthétique du film permet d’accroître son accessibilité. En effet, il est dès lors possible d’aller voir le film de manière légère pour se délecter de sa beauté, tout en laissant de côté les débats politiques et sociétaux qu’il véhicule. En matière de mise en scène, Barbie est filmé en prise de vue réelle. Le personnage évolue dans des décors créés particulièrement pour le film. Les caractéristiques des maisons, fidèles aux modèles de base permettent de proposer aux spectateurs une immersion totale dans le monde de la poupée. Avec un Barbieland aux allures de Seahaven (Truman Show, 1998), Greta Gerwig souligne également, avec ironie, le côté insensé et extravagant des maisons Mattel et du monde Barbie.
    Barbie, est aussi basé sur d’innombrables références cinématographiques et culturelles. Comme cela a été très remarqué, la scène d’ouverture du film est (très) directement inspirée du travail du géant du cinéma Stanley Kubrick et de son 2001 : l’odyssée de l’espace (1968). D’autres scènes viennent s’inspirer, de manière directe ou plus subtile, d’autres grands classiques du 7e art. On note alors une référence au Parrain (1972), à La fièvre du samedi soir (1977), avec la scène de danse, ou encore à Matrix (1999), lorsque Barbie doit choisir entre deux chaussures pour décider de son destin, à l’image des pilules rouge et bleue proposées à Néo. Outre cette liste non exhaustive, de nombreuses autres références cinématographiques sont cachées dans le film… à vous de jouer pour les identifier !
    Au demeurant, il est impossible de parler de Barbie sans parler du coup de maître réalisé par l’équipe marketing du film. Avec un budget colossal, Barbie s’offre tout : des collaborations avec les plus grandes marques de mode (comme Chanel), un casting de stars (Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrara) et une bande-son originale portée par de nombreux artistes en vogue comme Billie Eilish, Lizzo ou encore Dua Lipa.
    En clair, Barbie coche toutes les cases d’un blockbuster de qualité. Il s’agit d’un divertissement intelligent et fédérateur, agrémenté d’un zeste politique, qui ouvre la porte à une réflexion plus poussée pour ceux qui le souhaitent. Avec ce projet, Greta Gerwig démontre que son « Barbie can be anything » : une comédie, un drame, un film musical, un divertissement, un vecteur d’idées politiques et sociales, etc.