9 mars 2025

William Friedkin

 Cinéaste américain, 1935








Réalisé par William Friedkin
Avec Sonny Bono, Cher, George Sanders
Comédie musicale, Western
1h31
1967
Etats-Unis
Mordicus, un homme d'affaires, propose à Sonny Bono et Cher de faire d'eux des stars de cinéma. Sonny et Cher planchent alors sur des idées de film, mais Mordicus leur met des bâtons dans les roues...
Venu du documentaire et de la télévision, Friedkin signe ses débuts au cinéma avec un film à sketches intégralement construit à la gloire de Sonny & Cher. Piraterie, western, préhistoire et gangsters : une comédie musicale au scénario ubuesque, inspirée par Help! et A Hard Day's Night.



Strip-Tease chez Minsky 
Réalisé par William Friedkin
Avec Jason Robards, Britt Ekland, Norman Wisdom
Comédie musicale
1h39
1968
Etats-Unis
Une Amish s'extirpe d'un milieu puritain pour intégrer celui d'un cabaret burlesque en pleine Amérique de la prohibition.
Friedkin embrasse un sujet piquant et caustique – l'invention du strip-tease – au moyen d'une mise en scène enlevée en caméra portée, qui colle à sa volonté d'immersion.

L'anniversaire 
Réalisé par William Friedkin
Avec Robert Shaw, Patrick Magee, Dandy Nichols, Sydney Tafler
Comédie dramatique
2h03
1968
Etats-Unis
Stanley Webber mène une existence de solitaire dans une petite pension en bord de mer. Sa logeuse organise une petite fête pour son anniversaire, à laquelle débarquent deux inconnus. Sans motif apparent, ils se mettent à persécuter Stanley.
D'après la pièce d'Harold Pinter, un huis clos électrique, proche du cinéma expérimental, qui joue sur une atmosphère claustrophobe et l'ambivalence de ses protagonistes pour dépeindre une lente progression vers la folie.
Les garçons de la bande
Réalisé par William Friedkin
Avec Kenneth Nelson, Leonard Frey, Frederick Combs
Drame
1h58
1970
Etats-Unis
Dans un studio de la ville qui ne dort jamais, une fête d’anniversaire prend place. Y sont réunis une brochette d’amis, ayant tous pour point commun d’être homosexuels et couvrant un large spectre de ce qui fait l’identité gay de l’époque. Passé les sourires de façade et la bonne humeur des premières minutes, la soirée vire au drame et les tensions éclatent au grand jour lorsqu’un invité inattendu débarque, en pleine crise existentielle sur sa propre sexualité.
Dès 1970, le réalisateur porte à l’écran une pièce à succès de Mart Crowley: Les Garçons de la Bande. Une collaboration totale avec le dramaturge puisque ce dernier est impliqué à la production et dans de nombreux choix artistiques: à plus d’un égard, le film doit sa paternité aux deux hommes. Les Garçons de la Bande semble animé par une bonne volonté perpétuelle: celle de mettre en avant une partie de la population obligée de vivre cachée, au moins partiellement, pour ne pas subir les plus vives injures de la société. Les regards de William Friedkin et de Mart Crowley, se font compréhensifs et compatissants. Si le long métrage n’échappe pas à certains clichés de son époque, il sait aussi faire preuve d’un certain courage: proposer un film sérieux, où presque tous les personnages sont homosexuels, en 1970, alors que la société intolérante en fait des parias, est un acte de bravoure assumé.
Ce qui s’affirme à l’écran se vérifie en coulisse: Friedkin et Crowley reprennent presque intégralement le casting de la pièce de théâtre originale, mettant en avant des comédiens eux aussi homosexuels. Un gage d’authenticité certain qui s’éprouve à l’écran. L’émotion apparaît sincère, le poids du vécu s’imprègne sur les performances d’acteurs. Le funeste destin ne sera malheureusement pas tendre avec le casting: le SIDA emportera 5 de ses membres dans les années suivant le film.
Tout en retenue, Les Garçons de la Bande se contente de prendre place dans un seul et unique lieu et nous fait éprouver la pression d’un monde rétrograde qui pèse sur ces hommes de façon implicite. Ce sont dans les témoignages des protagonistes qu’on comprend l’intolérance qui les entoure au quotidien. Friedkin le souligne de sa mise en scène, en choisissant des cadrages au plus près des visages de ses héros, éprouvés par une vie vécue cachée et le mal-être qui en découle.
L’union n’est pourtant pas de mise dans le film. Les jugements entre ces amis sont omniprésents, et marquent le point culminant de la tension dramatique. Ce qui débute par de simples piques implicites se termine en pugilat, parfois physique. Il n’y a pas que la société qui stigmatise leur sexualité, eux-mêmes se reprochent mutuellement certains élans de leur personnalité. D’un côté de l’éventail, on critique la façon d’être efféminée de certains, de l’autre la virilité de façade et le silence d’autres.
Pourtant le mutisme, c’est loin d’être ce qui caractérise le plus Les Garçons de la Bande. Le long métrage s’appuie sur un débit de parole extrêmement soutenu, pour ne pas dire trop imposant. C’est sûrement là que se ressent le plus la patte de Mart Crowley, tant les échanges semblent s’inscrire dans une tradition théâtrale. On nage dans une espèce de confusion perpétuelle, probablement volontaire, à mesure que le ton monte et que les portes claquent. Pas un instant de répit pour le spectateur mis au cœur de la mêlée. William Friedkin se plie à l’exercice, peut être de façon trop attentiste dans les premières minutes qui se rapprochent davantage du théâtre filmé que du 7ème art. Si sa direction d’acteur est constamment impeccable, il faut attendre la moitié du film pour que son cinéma éclate au grand jour. Dans une scène de transition qui marque le basculement entre la légèreté et le drame, Friedkin nous propose des visuels évanescents, presque allégoriques, où il n’hésite par exemple pas à teinter de rouge son image. Une ultime oasis de confort avant que Les Garçons de la Bande ne se transforme en tragédie lourde et savamment orchestrée. Toute la seconde partie du film impose un certain climax, diablement ludique dans la forme, éprouvant émotionnellement au premier degré.

French Connection 
Réalisé par William Friedkin
Avec Gene Hackman, Roy Scheider, Patrick McDermott, Sonny Grosso, Fernando Rey
Policier
1h44
1971
Etats-Unis
Deux flics des stups, Buddy Russo et Jimmy Doyle, dit Popeye, se retrouvent sur la piste d’une grosse livraison d’héroïne en provenance de Marseille. De planques en filatures, d'arrestations en courses-poursuites dans les rues de New York, Popeye et Russo vont démanteler ce que les archives du crime appellent désormais... la French Connection.
Premier film classé R à avoir remporté l'Oscar, French Connection est un coup de force, qui impose à Hollywood le style nerveux, racé et précis de William Friedkin, élu meilleur réalisateur la même année. Caméra à l'épaule, le cinéaste raconte le quotidien d'agents des stups dans un New York sordide, qu'il filme sans fioritures, et signe un polar noir jais, à la fois électrisant et quasi documentaire. L'imposante scène de poursuite, qui voit Gene Hackman, lui aussi couronné d'un Oscar, traverser Brooklyn à toute blinde, reste aujourd'hui encore indépassable, sûrement la plus célèbre de toute l'histoire du cinéma.  "French Connection" fait partie de cette short list de films qui ont laissé une empreinte indélébile et déterminante sur le genre policier.

L'Exorciste
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Linda Blair, Ellen Burstyn, Jason Miller, Max von Sydow
Horreur
2h02
1973
Etats-Unis
L'actrice Chris McNeil est inquiète au sujet de sa fillette Regan : après que l'on ait entendu des bruits curieux venant de sa chambre, la petite a changé, proférant de constantes insanités. Une force para-normale l'habite, qui coûte la vie au metteur en scène de Chris. Désespérée, cette dernière fait appel à deux exorcistes...
A partir d’un postulat un rien débile (deux prêtres exorcisent une petite fille possédée), William Friedkin et le romancier William Peter Blatty ont construit un récit d’une intensité rare, aux personnages sombres et complexes. Voir celui du père Karras (Jason Miller), tiraillé entre la foi et la raison, son statut de religieux et sa fonction de psychiatre. Culpabilisé par la mort de sa mère, Damien Karras apparaît comme une figure en lutte contre le doute et un désespoir latent, l’exorcisme de Regan agissant sur lui à la manière d’une catharsis expiatoire, de la véhémence à la contrition sacrificielle. Bizarrement, revoir L’Exorciste s’apparente davantage à une expérience plus émouvante qu’horrifique, le film fonctionnant un peu à la manière d’un mélodrame classique, avec sa mère aux abois (Ellen Burstyn, bouleversante) et cette idée de croyance, au sens le plus catholique du terme, qui surplombe le récit telle une force inaltérable et conquérante. William Friedkin était à cette époque capable de nous donner la chair de poule devant le moindre de ses plans (notamment lors du sublime prologue irakien, envoûtant à souhait), portés par une beauté et une profondeur rarement égalées dans le cinéma fantastique. Tout en versant des larmes sur les lévitations de Regan et les yeux mélancoliques de Karras, on se demande comment un artiste de cette trempe a pu se muer parfois par la suite en triste faiseur hollywoodien.

Le Convoi de la peur
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Roy Scheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal
Aventure-Action
2h01
1977
Etats-Unis
Quatre étrangers de nationalités différentes, chacun recherché dans son pays, s'associent pour conduire un chargement de nitroglycérine à travers la jungle sud-américaine…  Un voyage au coeur des ténèbres…
Le convoi de la peur, sorti en même temps que « la Guerre des étoiles » fut un échec cuisant au box-office. Pourtant après les succès de French Connection et de L'Exorciste, Friedkin a carte blanche pour réaliser le remake du Salaire de la peur, projet insensé au tournage monumental qui, trois ans avant La Porte du Paradis, commence à entamer le crédit des cinéastes-démiurges.
Et pourtant, Sorcerer est un film puissant, prenant de bout en bout, qui offre au public sa ration de suspens et d’action. Mais à l’encontre des blockbusters d’aujourd’hui, c’est aussi un film qui sait prendre son temps, ancrer ses protagonistes dans un contexte existentiel et dans un décor quasi-documentaire. Sorcerer raconte bien l’aventure sous tension de quatre hommes qui doivent unir leurs forces pour convoyer un chargement d’explosifs à travers la jungle. Mais Friedkin ne fait démarrer le convoi et l’action proprement dite qu’à mi-chemin du film.  Auparavant, il aura pris soin de montrer la vie d’avant de chaque protagoniste et les raisons qui les ont réunis dans un bled-bidonville au fin fond de l’Amérique latine.  Le Convoi de la peur constitue une saisissante plongée au cœur des ténèbres, succession d'images chocs, où règnent la misère et le chaos. De sueur et de sang, porté par la musique envoûtante de Tangerine Dream, le film confronte Roy Scheider, et son camion chargé de nitroglycérine, à une jungle terrifiante et hostile. Un des plus beaux films de William Friedkin. Mythique...

Têtes vides cherchent coffres pleins
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Peter Falk, Peter Boyle, Allen Garfield, Gena Rowlands, Paul Sorvino, Peter Boyle, Warren Oates
Comédie policière
1h44
1978
Etats-Unis
Boston, 1950. Escroc à la petite semaine, Tony Pino vit de petits larcins et d'arnaques plus ou moins minables. Lorsqu'il se rend compte que la sécurité de la Brink's, société de transports de fonds, présente d'énormes lacunes, il décide de monter avec quelques amis malfrats ce qui restera comme l'un des casses du siècle.
William Friedkin qui vient d'essuyer un échec cuisant avec "Le convoi de la peur" se lance dans une comédie policière sur le célèbre cambriolage des coffres de la Brinks qui défraya la chronique en 1950. Film modeste, The Brink’s Job représente pourtant un des films les plus aboutis de William Friedkin dans le propos et dans la forme. Si le réalisateur a souvent souffert de l’incompréhension du public, la transparence du message et la réalisation toute en sobriété de The Brink’s Job lui ont permis de faire mouche, aidé il est vrai par un scénario en béton et des comédiens de talent. En conclusion, même si Friedkin a donc honorablement rempli son contrat, The Brink’s Job ne restera peut-être pas aussi célèbre que l’histoire dont il s’inspire. En effet, si The Exorcist et The French Connection ont chacun marqué de manière indélébile un genre particulier, il n’en va pas de même pour The Brink’s Job qui restera une œuvre parmi d’autres sur les braqueurs de banque, aussi sympathiques soient-ils.

La Chasse
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Al Pacino, Karen Allen, Paul Sorvino
Policier, Thriller
1h40
1980
Etats-Unis
La police new-yorkaise enquête sur deux meurtres d'homosexuels appartenant à la tendance sado-masochiste, qu'elle pense être dus au même tueur. Le capitaine David Edelson, chargé de l'affaire, propose à un jeune policier en uniforme, Steve Burns - qui possède les caractéristiques physiques des victimes - d'infiltrer la communauté gay. Comme il ambitionne de devenir "enquêteur", Steve, voyant la possibilité d'une rapide promotion, accepte, en dépit du danger qu'il encourt. Installé dans un appartement de Greenwich Village, Steve fréquente toutes les nuits les lieux de rendez-vous homosexuels : bars, discothèques, boîtes de nuit, jardins publics. L'assassin, habillé d'un blouson de cuir à pièces métalliques cliquetantes, porteur d'une casquette de motocycliste et le visage dissimulé derrière des lunettes de soleil, frappe par deux fois encore..
Si Cruising n’a pas marqué les esprits, il les a échauffés au moment de son tournage, à New York, en 1979. Avec ce projet de film, son neuvième, Friedkin veut tourner un policier à la trame assez classique : un tueur en série qui s’attaque toujours au même type de victimes et un enquêteur lancé sur ses traces. Mais, beaucoup moins banal, il choisit de situer ces meurtres dans les boîtes sadomasochistes homosexuelles de Manhattan. Pour lui, c’est le cadre idéal pour un thriller : ambigu et inquiétant à souhait. Pour la communauté gay, un parti pris homophobe qui assimile pulsions homosexuelles et criminelles. Et qui risque de saper les efforts d’intégration de toute une communauté – de plus en plus soucieuse de son image - en montrant les pratiques dérangeantes d’une minorité. Durant tout l’été 79, des centaines d’activistes gay vont se confronter à une star de cinéma et un réalisateur oscarisé dans les rues de New York pour empêcher la sortie d’un film qu’ils haïssent avant même de l’avoir vu. Rétrospectivement, pourtant, Cruising apparaît presque visionnaire dans sa description d’un monde infernal où la communauté homosexuelle est frappée par un mal incontrôlable, incompréhensible, qui préfigure les ravages du sida. Certains commentateurs ont mis en avant cette idée bouleversante : un nombre considérable de figurants du film – les véritables habitués des clubs SM, que l’on voit en arrière-plan des scènes – allait être décimé par l’épidémie dans les années qui suivirent. Au milieu des années 1980, les autorités sanitaires new-yorkaises décidèrent de fermer les clubs SM pour lutter contre l’épidémie. Si le film a suscité autrefois une importante vague de protestations, la controverse s’est éteinte aujourd’hui. De l’eau a coulé sous les ponts. Cruising a été réhabilité. Il compte même de nombreux fans chez les cinéphiles et reste un précieux témoignage sur une époque disparue. Encore impressionnant, ce film inconfortable provoque toujours un malaise constant. D’une radicalité glaçante, il transpire la peur et la solitude. Explore des zones troubles qui sommeillent en chacun de nous : personne ne peut en sortir vraiment intact. Une œuvre indispensable, donc.

Le Coup du siècle
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Chevy Chase, Sigourney Weaver, Gregory Hines
Comédie
1h39
1983
Etats-Unis
Des revendeurs d'armes entrent en concurrence pour s'attirer les faveurs d'un dictateur sud-américain. Des histoires de religion, d'amour et de corruption viennent compliquer le tout.
Est-il possible que le réalisateur visionnaire de « FRENCH CONNECTION », « L’EXORCISTE », « LE CONVOI DE LA PEUR » ou « TO LIVE AND DIE IN L.A. » ponde un navet irrécupérable ? On l’a vu signer des films jolis à voir mais sans grand intérêt comme « LA NURSE » ou « TÊTES VIDES CHERCHENT COFFRE PLEIN », des films imparfaits mais passionnants comme « CRUISING » ou « LE SANG DU CHÂTIMENT », de solides réussites qui ne portaient pas vraiment sa griffe comme « TRAQUÉ » et des projets plus expérimentaux comme « BUG » ou « KILLER JOE ». Mais des nanars ? « LE COUP DU SIÈCLE » prouve qu’il en est parfaitement capable ! Cela se voudrait une parodie caustique et incisive sur l’univers des marchands d’armes et sur la folie du monde « moderne » en général. Le scénario tourne autour d’une grosse vente de drones (oui, déjà) défectueux à un pays d’Amérique du sud, managée par un escroc yankee culotté. Et l’humour lorgne pesamment du côté de « DR FOLAMOUR » ou « M*A*S*H* ». Mais Dieu, qu’on en est loin ! Malgré ses innombrables talents, Friedkin ne s’est jamais distingué par sa drôlerie irrésistible et son film est flasque, informe, interminable, aucun gag ne fait mouche, les personnages sont au mieux indifférents, au pire odieux. Et ce n’est pas le pauvre Chevy Chase, transparent comme à son habitude, qui risque de sauver la mise. Sigourney Weaver est gaspillée en femme fatale âpre au gain et Gregory Hines fait peine à voir. Que dire ? C’est terrible ! Au bout d’une heure, on patauge complètement, on s’endort et on prie le ciel que le supplice s’achève. Deux décennies plus tard, Andrew Niccol s’essaiera avec infiniment plus de bonheur au même genre de sujet avec son « LORD OF WAR ». On ne saurait trop le recommander et conseiller aux admirateurs du grand William Friedkin d’oublier définitivement ce « COUP DU SIÈCLE » qu’on rangera dans les « accidents industriels ».

Police fédérale, Los Angeles
 
Réalisé par William Friedkin
Avec William L. Petersen, Willem Dafoe, John Pankow
Action -Thriller
1h56
1985
Etats-Unis
Richard Chance est un flic tête brûlée, obsédé par la traque du faussaire Rick Masters. Le jour où son co-équipier est abattu alors qu'il menait une opération en solo, Chance, décide de mettre toutes les chances de son côté pour appréhender sa cible, quitte à enfreindre la loi...
Friedkin adapte le roman de Gerald Petievich, Voir Los Angeles et mourir, et suit les enquêtes de deux flics confrontés à la corruption. Aujourd'hui considéré comme un polar de référence, le film entremêle trahisons et vengeance dans un Los Angeles déroutant, tout en néons et terrains vagues. Propulsé par l'enivrante bande son de Wang Chung et un montage épatant de fluidité, le style de Friedkin impressionne par son ampleur et sa créativité. Si l’on excepte le très malsain Cruising (1980), William Friedkin avait perdu de sa superbe après l’échec cuisant du Convoi de la peur (1977) et avait plutôt tenté de montrer patte blanche aux studios avec les plus légers Têtes vides cherchent coffres pleins (1978) et Le Coup du siècle (1983). To Live and Die in L.A. marque donc son retour au polar et à la noirceur qui le caractérise. Le film est un pendant particulièrement tordu de son classique French Connection (1971) dont il partage de nombreux points communs tout en les détournant habilement. Les personnages de Friedkin sont dans ses meilleurs films des êtres poursuivant de manière quasi maladive un objectif, quitte à sombrer dans l’autodestruction. Ce sont les routiers risque-tout du Convoi de la peur, le prêtre de L’Exorciste (1973), Al Pacino égaré dans sa sexualité dans Cruising et bien sûr Popeye Doyle (Gene Hackman), le flic tenace de French Connection. C’est à ce dernier que l’on pense dans Police Fédérale Los Angeles avec son héros Richard Chance (William Petersen) aux trousses du faussaire Rick Masters (Willem Dafoe), coupable de l’assassinat de son coéquipier. Si dans les films précités les personnages échouaient souvent dans leur quête, ils n’en gardaient pas moins une certaine grandeur dans l’échec. C’est tout l’inverse ici où Friedkin n’a de cesse de rabaisser son héros. Un personnage réellement fascinant qui permet de situer la différence entre Friedkin et son grand rival d’alors, Michael Mann - impossible de ne pas penser à la série Miami Vice (1981), Mann portera d’ailleurs plainte pour plagiat et perdra mais il tiendra sa revanche en ravissant les droits de Manhunter (1986) à Friedkin. Quand chez Mann la rigueur et le chemin que s’imposent les personnages visent à les déshumaniser (l’inversion du processus étant toujours le moteur dramatique du film), Friedkin vise l’opposé, ses héros se perdant justement en cédant à leurs démons. L’humanisation est tragique mais belle chez Mann, et elle est synonyme de dérèglements conduisant au chaos pour Friedkin. Dès lors, celui-ci rythme les pulsations de la ville au même tempo que l’agitation de Chance qui perd pied et prend toutes les mauvaises décisions. Le sommet de cette logique est l’incroyable poursuite en voitures dans les rues de L.A., filmée avec une virtuosité et une tension haletante qui par des inserts subliminaux (de plus en plus présents dans la dernière partie) nous immerge complètement dans l’équilibre mental précaire de Chance. Une fuite en avant qui ira jusqu’au point de non-retour, comme souvent avec Friedkin. Le règne des apparences peut donc reprendre, avec cet épilogue où John Pankow prend le relai arrogant de Petersen, dissimulant une toute aussi grande faiblesse de caractère.

Le Sang du châtiment

Réalisé par William Friedkin
Avec Michael Biehn, John Harkins, Alex McArthur
Action -Thriller
1h37
1988
Etats-Unis
Tony Fraser, jeune district attorney, est aux prises avec un dangereux maniaque, Charles Edmund Reece, coupable de six meurtres terrifiants. Après l'arrestation de Reece, le jeune policier va devoir se battre avec l'avocat de la défense qui prétend que son client est un psychopathe.
Lorsqu’il se penche sur l’histoire vraie du serial killer Richard Trenton Chase surnommé le tueur vampire car il buvait le sang de ses victimes, William Friedkin est au creux de la vague. Il vient effectivement de subir un énième échec commercial avec Police fédérale, Los Angeles (1985) et cherche donc un second souffle avec Le sang du châtiment (1987). Ce film a une histoire assez particulière. En effet il est sorti initialement en 1987 dans quelques pays, mais il n'a connu qu'une sortie restreinte aux États-Unis, le distributeur (De Laurentiis Entertainment Group) ayant fait faillite en 1988. Ce montage initial émet des réserves sur la validité de la peine de mort. Mais William Friedkin, ayant changé de point de vue sur le sujet au début des années 90, procéda à un remontage de son film. Ce second montage (une sorte de director's cut révisionniste, datant de 1992) penche désormais nettement en faveur de la peine capitale. Il existe donc deux versions de ce film, l'une en contradiction avec l'autre. Le revirement de Friedkin peut choquer ou mettre mal à l’aise, néanmoins un film est l’occasion pour un réalisateur de défendre ses convictions, si polémiques soient-elles. S’il serait stérile de débattre ici de la validité des opinions formulées par le cinéaste, on peut toutefois s’interroger sur les méthodes employées pour rallier le spectateur à sa cause. En effet, Friedkin simplifie systématiquement toutes les nuances qui faisaient la qualité initiale du film pour ne laisser qu’une illustration simpliste au service de son discours. La première version invitait le spectateur à s’interroger en lui posant des questions ouvertes tandis que la seconde, didactique, lui impose une vérité. Les scènes explicatives redondantes ou la simplification des personnages remettent en cause les qualités artistiques de la première version. Discutable d’un point de vue éthique, moins innovant dans son traitement des personnages et de la narration, le second montage se révèle en tout point inférieur à l’original. La scène d’ouverture est ainsi symbolique des sacrifices auxquels s’est livré Friedkin pour rendre son film plus compréhensible. La version européenne débute de façon presque onirique par un plan montrant Reece vu du ciel errant sans but dans la campagne : une image que l’on peut considérer comme une représentation métaphorique de sa folie. La version américaine opte pour un traitement terre à terre sans fioritures et plus laid, en remplaçant le plan aérien par un photogramme figé de Reece vu de dos. Un artifice parmi tant d’autres pour tenterde soutenir un montage vidé de l’essence même de ce qui rend les films de Friedkin uniques, à savoir son refus catégorique de juger les personnages.

La Nurse
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Jenny Seagrove, Dwier Brown, Carey Lowell
Drame Épouvante
1h33
1990
Etats-Unis
Phil et Kate décident d'engager une nurse pour garder leur fils Jake dans leur grande maison à la lisière de la forêt. Camilla semble parfaite pour ce rôle. Trop parfaite peut-être...
Au début des années 90, le réalisateur William Friedkin est bien loin de ses années dorées du début des années 70. Dans la tête des producteurs et du grand public, il reste attaché aux succès de French Connection (1971) et L’exorciste (1973), mais ses dernières tentatives de conquérir le box-office se sont soldées par de cuisants échecs. Malgré leur bonne tenue, Police fédérale, Los Angeles (1985) et Le sang du châtiment (1987) ont confirmé le manque d’intérêt du jeune public pour un réalisateur has been. La radicalité de ses œuvres ne peut lui venir en aide dans un Hollywood de plus en plus lisse. Au fond du trou, Friedkin accepte un peu tout et n’importe quoi. Il est approché pour mettre en scène La nurse (1990), alors qu’il n’aime pas du tout le scénario de Stephen Volk, très librement adapté d’un roman à succès de Dan Greenburg. Il accepte toutefois la proposition car lui aussi a eu affaire dans sa vie personnelle à une nurse pas très professionnelle. Rien d’aussi grave que dans le film, mais cette expérience personnelle permet au réalisateur de trouver une connexion avec le sujet. Commence alors une intense période de réécriture qui se terminera par le retrait du projet de Stephen Volk et une improvisation constante de Friedkin durant le tournage.Le produit fini n’a finalement plus grand-chose à voir avec le script d’origine, au grand dam de l’actrice Jenny Seagrove qui souhaitait tourner un thriller domestique classique et terre-à-terre, alors que Friedkin a clairement été engagé pour donner une orientation fantastique au projet. Celui-ci va même très loin en faisant référence non seulement à la culture druidique, mais également à l’univers des contes de fée. Dès lors, le long-métrage apparaît comme une synthèse étrange entre un fantastique gothique à l’ancienne et un thriller domestique plus contemporain. Le mélange des deux univers ne se fait pas toujours de manière harmonieuse, mais c’est aussi l’originalité de ce qui ne serait autrement qu’une petite série B anonyme. Friedkin ne cherche d’ailleurs aucunement à jouer sur le suspense quant à la volonté de la nurse dont on saisit l’aspect maléfique dès les premières minutes. Il dilue alors son intrigue dans des développements narratifs parfois intéressants, parfois plus aléatoires. Il introduit notamment de manière un peu maladroite des protagonistes secondaires qui servent de victimes désignées. Le but est clairement d’asseoir le statut menaçant et surnaturel de la nurse, tout en jetant en pâture au spectateur quelques scènes sanglantes afin d’agrémenter le spectacle. Parmi eux, on trouve trois agresseurs qui finissent en chair à pâtée, ainsi qu’un personnage secondaire qui sera victime de loups, créatures de la nuit reliées à la force tellurique que représente l’arbre druidique. A noter d’ailleurs que les scènes horrifiques font furieusement songer à celles d’Evil Dead d’un certain Sam Raimi, cinéaste longtemps attaché au projet. On y retrouve notamment un arbre maléfique aux branchages vindicatifs, ainsi qu’une tronçonneuse et des litres de sang. Tous ces éléments se réfèrent bien évidemment aux contes et légendes traditionnels. Moins sensible à l’aspect réaliste du projet, William Friedkin semble se régaler lorsqu’il compose des plans oniriques, aidé qu’il est par le directeur de la photo John A. Alonso. Ce sont ces passages magnifiques – parfois proches de l’univers de La compagnie des loups de Neil Jordan – qui donnent tout son cachet à La nurse. On reste davantage réservé sur la pertinence de l’écriture, entièrement fondée sur des archétypes. Friedkin ne semble rien approfondir. Alors que l’on sent une attraction physique entre le père de famille et la nurse, cette transgression n’a lieu qu’en rêve et finalement, le gentil couple demeure une image idéale du bien, tandis que l’antagoniste ne semble avoir d’autre but que de faire le mal. On se retrouve donc ici dans une opposition très classique entre le bien et le mal, sans qu’aucune nuance ne vienne interférer. Un peu léger pour un réalisateur qui a souvent su sonder les contours flous de l’âme humaine. Visiblement peu fier du résultat final, William Friedkin ne consacre même pas une ligne au film dans son imposante autobiographie Friedkin Connection (2014). Un désaveu qui nous semble très excessif de sa part, puisque La nurse possède quelques belles fulgurances visuelles. On apprécie notamment la fluidité d’une caméra sans cesse en mouvement, mais aussi l’interprétation de qualité, notamment de la part de Jenny Seagrove et de la belle Carey Lowell. Cet oubli volontaire du cinéaste tient sans doute au cinglant échec commercial du film aux Etats-Unis où les critiques furent également très sévères envers cette œuvre certes mineure, mais qui contient tout de même des passages intéressants.

Réalisé par William Friedkin
Avec Shaquille O'Neal, Mary McDonnell, Alfre Woodard, Nick Nolte
Drame
1h48
1994
Etats-Unis
Comment l'entraîneur d'une équipe de basket-ball américain va, pour amener son équipe à la victoire, accepter des compromis pour la première fois de sa vie. Et comment, après la victoire, il va dénoncer publiquement les magouilles dont il s'est rendu complice.
Travaillant sur un canevas maintes fois utilisé dans des films sportifs comme SLAP SHOT ou THE LONGEST YARD, William Friedkin tente de déjouer les conventions du genre en exposant la corruption comme une résultante inévitable de la compétition à outrance. Grâce à une réalisation dynamique et à un montage nerveux, Friedkin entraîne le spectateur dans l'étourdissante valse du recrutement, des exercices pratiques et des matchs, pour aboutir finalement sur une dénonciation exposée avec une surprenante sobriété, véritable douche froide après la fièvre de la compétition. Le propos est cependant desservi par les limites visuelles du basketball et par des personnages superficiellement développés. Nick Nolte offre un jeu fort énergique.

Réalisé par William Friedkin
Avec David Caruso, Linda Fiorentino, Chazz Palminteri
Erotique Thriller
1h37
1995
Etats-Unis
San Francisco. David Corelli enquête sur le meurtre du millionnaire Kyle Medford. Une prostituée le met sur la piste d'une certaine Jade, une insatiable nymphomane fréquentant les hautes sphères. Mais elle est assassinée avant d'avoir pu l'identifier. Des indices troublants orientent Corelli vers son ancienne amie, Trina...
Prenez un grand réalisateur culte, William Friedkin, dont les derniers films n’ont pas laissé de grands souvenirs (La Nurse en 1990, Blue chips en 1994) et qui a besoin de redorer son blason auprès des producteurs. Vous y ajoutez un scénariste, Joe Ezterhas alors en pleine grâce commerciale (Basic Instinct et Sliver), excellant dans la recette mêlant sexe et thriller, et dont tous les contrats se négocient à coup de millions de dollars. Et en dernier ingrédient, vous relevez la sauce avec un casting de choc alliant jeune loup issu des classes de la TV (David Caruso, tout frais) et une actrice qui se présente comme le pendant brun de Sharon Stone, Linda Fiorentino, dont le rôle de femme fatale dans Last seduction avait marqué les esprits à l’époque. On peut se dire que Jade avait ainsi tous les éléments pour aboutir soit à un monument de film de genre thriller sexuel (Basic Instinct) soit à un somptueux ratage (Basic instinct 2). D’ailleurs ne s’y trompant pas, William Friedkin a remanié de fond en comble le scénario de Joe Ezterhas, au point que celui-ci voulu faire retirer son nom du générique. Cela n’empêcha pas le film d’être massacré par la critique et boudé par le public, fracassant quelques carrières au passage : David Caruso et Linda Fiorentino ne seront plus jamais têtes d’affiche au cinéma et Joe Ezterhas étant désormais aux abonnés absents après avoir sorti ses mémoires titrées « Hollywood Animal ». Et du film Jade en lui-même, que reste-il ? Au-delà d’une histoire dont l’originalité n’était pas la première qualité (encore une histoire de meurtre dans la haute société avec une femme hyper-sexuée comme suspecte), William Friedkin aborde ce qui demeure ses sujets de prédilection : le dilemme et le conflit qui règne dans les esprits de ceux qui évoluent entre le bien et le mal, la corruption et l’hypocrisie qui règnent dans la société américaine (ici c’est le monde de la justice qui est épinglé), et la déliquescence des sentiments et des idéaux qui amènent la souffrance. Un traitement déprimant d’une intrigue classique alternant brillamment suspens, interrogatoires, scènes de sexe et poursuite. Si David Caruso ne démérite pas et assume déjà son côté monolithique qui fera sa posture de jeu favorite pour les années à venir, le couple mal en point formé par Chazz Palminteri et sa vénéneuse épouse Linda Fiorentino compose l’élément brillant et torturé, voire sensuel, qui tire vers le haut le film de Friedkin. Du point de vue action, Friedkin assure le côté syndical avec scènes de poursuite pédestres et surtout deux chasses automobiles anthologiques (une constante dans l’oeuvre policière de Friedkin) extrêment violentes et physiques, à l’époque bénie où les cascades ne se faisaient pas sur ordinateur, des règlements de compte secs et brutaux, le tout se situant entre les quartiers d’un Chinatown atmosphérique et menaçant et les salons cossus des officiels de San Francisco, deux lieux soumis au crime et à la perdition. Si on peut regretter que William Friedkin n’aille pas assez loin et expédie un peu vite la résolution de l’enquête (mais avec un affrontement final en clair-obscur demeurant un des modèles du genre), il réussit à toucher là où on ne l’attend pas : la peinture sans fard de la compromission, qui va amener ses trois personnages principaux jusqu’au point de rupture. La photographie aux teintes verdâtres prononcées et quasi-monochrome d’Andrzej Bartkowiak (futur yes-man aux commandes de Roméo doit mourir et du vilain Doom) et la musique angoissante de James Horner sont d’autres éléments positifs à mettre au crédit à la réussite artistique de Jade. Sorti en plein milieu des années 90, Jade était donc le genre de projet qui sentait l’opportunisme à plein nez. On peut dire, avec le recul des années, que le résultat en est tout autre. Évitant le côté clinquant et choc vers lequel louchait le script originel, William Friedkin opte pour un côté sombre et crépusculaire le rapprochant des classiques du film noir.

L'Enfer du devoir
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Tommy Lee JonesSamuel L. JacksonBlair Underwood
Drame Guerre
2h07
2000
Etats-Unis
Du Vietnam au Liban, le colonel Terry Childers a combattu sur tous les fronts. Vénéré par ses hommes, il est presque devenu une légende. Aussi, quand l'ambassade américaine au Yemen est cernée par des émeutiers, le secrétariat d'Etat le charge de son évacuation. Sur place, la situation prend le colonel Childers de court. Face à une foule armée et incontrôlable, il ordonne d'ouvrir le feu. Cette tuerie conduit le héros de l'Amérique devant un tribunal militaire. Abandonné de tous, il se tourne vers un ancien compagnon d'armes, le colonel Hodges, qui va assurer sa défense.
Sur la forme et sur le fond, « l'Enfer du devoir » est un film très ambigu, voire caricatural, car William Friedkin essaie tant bien que mal de trouver des circonstances atténuantes à un tel carnage et prend ainsi le risque d'indisposer les spectateurs. Mais le cinéma de William Friedkin se prête toujours plus à la polémique qu'au consensus et son propos, une fois encore ici, se veut surtout dérangeant. A Deauville toujours, il s'expliquait ainsi : « Je ne sais pas si c'est mon film le plus polémique, mais il a suscité la controverse. Il y a une manifestation à Chicago, mais elle n'était pas de très grande envergure. Le jugement, c'est au public de le formuler, pas à moi. » Et il ajoutait à propos de la scène où on voit les 83 cadavres alignés : « Bien sûr, il est difficile de prendre le parti du colonel, mais cela faisait partie des règles du jeu du film. Je ne crois pas qu'à ce moment précis, il y ait grand monde pour penser que le colonel a accompli quelque chose d'héroïque ou de correct.»

Traqué
 
Réalisé par William Friedkin
Avec  Tommy Lee JonesBenicio Del ToroConnie Nielsen
Policier
1h35
2003
Etats-Unis
L.T. Bonham, un ex-entraîneur des forces spéciales, vit retiré dans les forêts de l'Oregon. Lorsqu'un agent du FBI vient lui demander de l'aide sur une affaire de meurtres perpétrés sur des chasseurs dans la forêt de l'Oregon, il accepte de se rendre sur les lieux du crime. L.T. a l'intuition que ces assassinats ne peuvent avoir été commis que par un seul homme : Aaron Hallam, un de ses anciens élèves, le meilleur. S'engage bientôt un redoutable jeu du chat et de la souris.
Dès sa sortie, le film a aussitôt été associé au premier Rambo pour leurs similitudes, mais le film réalisé par William Friedkin est bien plus sauvage et radical que son aîné. Traqué s'impose en effet comme une étonnante aventure individuelle, voire psychanalytique, où l'homme civilisé se confronte à la part de violence qu'il ne voulait pas assumer et qu'il espérait pouvoir expulser de lui. Alors qu'il apparaît au début du film vouloir venir en aide à un loup blessé, Tommy Lee Jones apprend petit à petit à intégrer sa part animale et à l'accepter. Ce n'est qu'à l'aune de cette analyse intime et viscérale que Traqué prend tout son sens et sa force exceptionnelle. Friedkin rules !

Réalisé par William Friedkin
Avec Ashley Judd, Michael Shannon, Harry Connick JrLynn Collins
Drame Horreur Thriller
1h40
2006
Etats-Unis
Agnès vit seule dans un motel désert. Elle est hantée par le souvenir de son enfant, kidnappé plusieurs années auparavant, et redoute la visite de son ex-mari, Jerry, un homme violent récemment sorti de prison. Dans cet univers coupé du monde, Agnès s'attache peu à peu à un vagabond excentrique, Peter. Leur relation tourne au cauchemar lorsqu'ils découvrent de mystérieux insectes capables de s'introduire sous la peau. Ensemble, ils vont devoir découvrir s'il s'agit d'une folie partagée ou d'un secret d'Etat...
Bug, adaptation de la pièce de Tracy Letts, sorti en 2006, parvient en un huis-clos étouffant à relater la psychose générale qui gagne des États-Unis plongés dans la guerre et encore convalescents du 11 septembre. William Friedkin est un cinéaste politique et polémique et il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il a une cause ambiguë à défendre. Tous ses films, même les plus médiocres de la période Paramount qui prend fin avec ce Bug, ont leurs petites ou grandes idées scandaleuses. L’efficacité de la forme aide à faire admettre le propos, mais le spectateur n’est jamais protégé par une quelconque tentative de cinéma « correct » car William Friedkin s’assume, jusque dans ses positions les plus extrêmes (la justice expéditive de French connectionCruising et Police fédérale, Los Angeles en particulier) et ses choix les plus discutables (la « relecture » douteuse du Sang du châtiment). Le dispositif à la base de Bug fleure bon les années 70 : huis-clos, performances d’acteurs, noirceur absolue, sous-texte politique et image granuleuse. Dès les premières minutes, le style fait mouche, Friedkin ne cachant jamais les origines théâtrales de son œuvre. Le découpage en actes est souligné, on aperçoit même les changements de scène quand les protagonistes passent d’une pièce à l’autre et quittent la chambre du motel en claquant la porte. Pourtant il ne viendra à l’esprit de personne d’accuser Friedkin de paresse dans son adaptation. Le bonhomme en profite pour condenser son énergie et ses démons. Friedkin nous fait vivre cette paranoïa au plus près, grâce en particulier à un travail sonore mémorable, plein de grésillements lointains et de bruits d’hélicoptère. Cœur de l’œuvre, le personnage d’Agnès nous implique immédiatement dans son quotidien proche du misérable. Son accumulation de traumatismes (dont l’enlèvement de son enfant) la rend particulièrement réceptive aux propos délirants de Peter, dont on ne saura jamais si le passé de « cobaye » du gouvernement tient du fantasme ou de la réalité. Friedkin semble choisir bien vite son camp, stigmatisant les théoriciens du complot qui fleurissent en ces temps chaotiques. Si le réalisateur dépeint une nouvelle fois les ravages de la peur, il dénonce avant tout l’hystérie (collective ou non) qui grandit si facilement dès qu’une rumeur s’enracine dans l’esprit. Aussi concise que soit la forme de Bug, son discours n’en demeure pas moins vertigineux, offrant un portrait de l’Amérique, autarcique et prête à s’aveugler dans la panique, particulièrement terrifiant. A la fois film d’horreur et drame psychologique éprouvant, Bug enthousiasme sur toute sa durée, grâce aussi à la prestation rien de moins qu’extraordinaire d’Ashley Judd et de Michael Shannon (qui avait créé le rôle de Peter sur scène). On pourrait à nouveau louer la vigueur d’un cinéaste ayant dépassé les 70 ans et étant encore prêt à en découdre avec le monde entier, mais la réussite de Bug va bien plus loin que la pérennité de Friedkin. C’est un grand film en soi, fascinant dans son déroulement, effrayant dans ses intentions et tétanisant dans son accomplissement.

Réalisé par William Friedkin
Avec  Matthew McConaugheyEmile HirschJuno Temple
Policier, Drame, Thriller
1h42
2011
Etats-Unis
Chris, 22 ans, minable dealer de son état, doit trouver 6 000 dollars ou on ne donnera pas cher de sa peau. Une lueur d’espoir germe dans son esprit lorsque se présente à lui une arnaque à l’assurance vie. Celle que sa crapule de mère a contractée pour 50 000 dollars. Mais qui va se charger du sale boulot ? Killer Joe est appelé à la rescousse. Flic le jour, tueur à gages la nuit, il pourrait être la solution au problème. Seul hic : il se fait payer d’avance, ce qui n’est clairement pas une option pour Chris qui n’a pas un sou en poche. Chris tente de négocier mais Killer Joe refuse d’aller plus loin. Il a des principes…jusqu’à ce qu’il rencontre Dottie, la charmante sœur de Chris. Alors Killer Joe veut bien qu’on le paye sur le fric de l’assurance si on le laisse jouer avec Dottie.
 Friedkin n’y va pas avec le dos de la cuillère pour nous jeter en pleine face le visage peu reluisant de l’Amérique... Pour le coup, Killer Joe ne déroge pas à la règle !  si le bonhomme se moque des conventions bien-pensantes de sa mère-patrie, le cinéphile avisé ne peut que se réjouir face à une telle liberté de ton totalement assumée et décomplexée. Avec une maestria hallucinante, Killer Joe conjugue le plaisir coupable de Baby Doll et le polar sang pour sang coenien, façon Fargo. Mais le tour de force est d’avoir confié le rôle principal au has been Matthew McConaughey qui livre une prestation absolument époustouflante, dans la même veine que celle accomplie dans Lone Star. La soixante-dizaine bien entamée, Friedkin semble avoir retrouvé une seconde jeunesse, fruit de sa collaboration avec le formidable scénariste Tracy Letts, amorcée avec le démentiel Bug.

L'Affaire de la mutinerie du Caine
 
Réalisé par William Friedkin
Avec Kiefer SutherlandJake LacyJason Clarke, Monica Raymond
Drame judiciaire
1h49
2023
Etats-Unis
Un officier de la marine américaine est accusé d'avoir orchestré une mutinerie. Barney Greenwald accepte à contrecœur de défendre le lieutenant Steve Maryk. Au fur et à mesure que le procès avance, Greenwald devient de plus en plus inquiet et se demande si les événements à bord du Caine étaient une véritable mutinerie ou simplement les actes courageux d'un groupe de marins qui n'avaient pas confiance en leur chef instable.
Il aura fallu attendre plus d’une décennie pour voir le dernier film de l’un des géants du septième art. Un film qui ne nous laisse jamais respirer, qui fait suffoquer ses spectateurs en même temps que ses personnages. L’Affaire de la mutinerie Caine est une adaptation d’une pièce de théâtre éponyme de Herman Wouk, qui avait lui-même adapté son livre du même nom. Edward Dmytryk avait réalisé une première version cinématographique de l’œuvre en 1954, mais le réalisateur américano-canadien s’était alors basé sur le livre et non sur la pièce de théâtre. Un détail important puisque le livre nous raconte tout le périple à bord de l’USS Caine et la mutinerie qui a eu lieu à bord, alors que la pièce ne raconte que le procès devant la cour martiale qui a suivi. C’est cette version du récit que Robert Altman a adaptée en 1988 et que William Friedkin met à son tour en scène. Le long-métrage raconte donc le procès de Stephen Maryk, accusé d’avoir orchestré une mutinerie lors d’un cyclone pour renverser le commandant Queeg, supposément atteint d’une maladie mentale. Il ne faut donc pas passer à côté du plaisir simple de voir Friedkin baisser le rideau avec un film de procès, certes mineur, mais à son image – sans compromis et sans rien sacrifier aux modes – et porté par un casting en tous points exceptionnel (Sutherland tire le meilleur de ses deux scènes, mais Monica Raymond en avocate de l’accusation mérite aussi bien des louanges). L’épilogue du film permet par ailleurs à Friedkin de faire en sous-main ses adieux. Félicité par les amis de Maryk pour avoir crucifié leur supérieur, Greenwald, libéré de ses fonctions d’avocat, prend cette fois la défense de Queeg et, avant de quitter les lieux, jette son verre de whisky au visage de l’instigateur de la rébellion. Ce dernier geste, qu’aurait pu accomplir le cinéaste lui-même (dont la réputation de franc-tireur irascible ne date pas d’hier), conclut ainsi L’Affaire de la mutinerie du Caine par un au-revoir en forme de doigt d’honneur. Friedkin ne pouvait clore sa houleuse mais remarquable carrière sans une dernière bravade.